Il s’agit du dernier livre de Fodéré, considéré à raison comme l’un des fondateurs de la médecine légale moderne. (Il fut d’ailleurs l’un des premiers à définir tout suicide comme un « acte de folie ». Cette position sera partagée par la plupart des aliénistes du début du xixe siècle. Or, après avoir développé ces premières théories psychiatriques sur le suicide, Fodéré reviendra plus tard sur cette position et plaidera pour une nouvelle criminalisation de certains suicides dit « volontaires ».) Notre volume est capital car Fodéré synthétise l’ensemble de son immense savoir pour aborder la diffcile problématique de la “simulation de la folie”.
Auteur
François-Emmanuel Fodéré est connu comme le premier ayant codifié de façon moderne la médecine légale. Parmi les nombreux sujets qu’il a traités, il s’est particulièrement attaché au délire pour tenter de le comprendre et de le faire comprendre d’une façon plus clairvoyante.
En cette année 1832 où apparaissent les premières fractures violentes entre Louis Philippe et les partisans de la liberté qui s’estiment bernés, Fodéré pointe du doigt les vices de ses contemporains tant littérateurs que politiques, tous installés dans une certaine facilité prospère non partagée.
Tout ceci est remis dans le cadre des rapports entre le crime, la folie et leur relation considérée comme intime, dévoilée cependant au cours des procès. Cela à un moment où le spécialiste des maladies mentales est non seulement consulté mais pratiquement obéit par les juges.
De sa campagne à Benfeld, Fodéré livre ces réflexions qu’il semble considérer lui-même comme un testament philosophique.
Il est possible que la liberté de ton et sa distanciation vis-à-vis de ce qu’on appellerait aujourd’hui politiquement correct ait pu faire que cet ouvrage ait été édité à compte d’auteur. Il présente pratiquement à chaque page des rapprochements possibles avec les paradoxes, les méfaits et les bienfaits de la civilisation industrielle.
« Les machines, les bateaux et les voitures à vapeur, les chemins de fer, les télégraphes, les procédés de la chimie, de la physique, de l’électro-magnétisme, de l’astronomie, de la navigation, ne sauraient être contemplés sans produire la plus vive admiration. Nous vivons dans un temps où l’on sait profiter de tout, et où ce qui aurait été autrefois un rebus, un sujet de dégoût est maintenant abordé froidement et sert à remplir les coffres des industriels qui ont pris la place des comtes et des marquis d’autrefois. »
L’auteur considère également comme des livres les plus dénués de vraisemblance et les plus « dégoutants » les romans de Ham d’Islande de La peau de chagrin et de Plik et Plok « dont les pages sont dégoutantes de sang et de chair palpitante ».
C’est en habitué des cours d’assise et de la fréquentation des criminels que l’auteur pose une théorie de la criminalité basée sur le mépris que les déviants sociaux ont de tout ce que nos jours on appellerait « surmoi ».
« Ce joug, une fois secoué, tous les actes de l’intelligence sont employés à se perfectionner dans les moyens de satisfaire tous ses désirs sans peine et sans contrainte en évitant d’être découvert et surtout en échappant au regard et aux poursuites de la justice. Ces manœuvres du vice deviennent un art dont se glorifient ceux qui le possèdent. Qu’ils enseignent dans les prisons et dans les bagnes, lorsqu’ils se sont laissés prendre, et que de nos jours, après avoir été successivement voleurs, forçats, espions de police, ils communiquent au public dans des livres qui sont lus avec avidité, et dont une police sagement préventive devrait empêcher la circulation. Le nombre de ces hommes qui ont secoué ce qu’ils nomment des préjugés, et qui vivent à l’aise, souvent honorés et respectés à cause de leur argent qu’ils se sont procuré facilement […] ne manque pas de faire envie à beaucoup de gens hors d’état d’apprécier le prix de la vertu, pauvres et méprisés. »
Rapport de condition
In-8, demi-veau noir de l’époque, dos plat à faux nerfs, filets dorés, coiffes légèrement frottées, coins légèrement émoussés, Strasbourg, chez l’auteur et Le Roux, 1832, XIV + pp. de 3 à 309 (exemplaire complet malgré cette pagination).