Théodule Ribot étudie d’abord dans ce livre le rôle latent des images motrices : il montre le caractère primordial et la diffusion des mouvements comme éléments de la vie psychique, la place qu’occupent les sensations spéciales et les sensations organiques, la permanence des résidus moteurs comme explication de la nature dernière de l’activité inconsciente, la présence et la nécessité des éléments moteurs dans la constitution de tous les états de conscience, leur rôle dans la vision, l’audition, les sensations vocales, dans les attitudes enfin. A la lumière de ces explications M. Ribot examine trois problèmes. 1° Celui des mouvements et de l’activité inconsciente : il établit par une analyse très fine des différentes formes de l’inconscience qu’au fond l’affectif ne peut être la base de la vie inconsciente, que l’inconscient statique ou dynamique ne peut être explicable qu’en terme de mouvement, qu’en somme les résidus moteurs sont la condition permanente d’une restitution intégrale de la conscience, que l’inconscient est, en définitive, un condensateur d’énergie. 2° Le problème de la pensée sans images et sans mots. Il emprunte les éléments de son analyse aux faits révélés par la confession des grands mystiques. Ici encore il essaie de montrer qu’il s’agit d’un phénomène psychique qui relève de, l’inconscient et qui a sans doute pour support non pas l’absence de tout objet ou de toute matière, mais des éléments moteurs, une activité inconsciente. 3° Le problème du moindre effort en psychologie. Ce problème qui sous les deux formes de la paresse et de la vieillesse et au fond, celui du repos, n’est encore qu’un autre aspect du problème des rapports de la vie inconsciente avec l’activité motrice.
Théodule Armand Ribot (1839-1916) est un philosophe et professeur au Collège de France. Il est généralement considéré comme le fondateur de la psychologie comme science autonome en France. Il crée en 1876 la Revue philosophique dont il devient directeur. Agrégé de philosophie en 1866, il soutient en 1873 une thèse de lettres intitulée « L’Hérédité : étude psychologique sur ses phénomènes, ses lois, ses causes, ses conséquences ». En 1885, il est chargé du premier cours de psychologie expérimentale à la Sorbonne avant d’obtenir en 1889 une chaire, créée pour lui, de psychologie expérimentale et comparée au Collège de France. Dans La Psychologie anglaise contemporaine (1870) et La Psychologie allemande contemporaine (1879), Ribot présente au public français les résultats de la psychologie expérimentale de l’époque et milite pour une séparation de la psychologie et de la philosophie et pour l’application des méthodes de la physiologie et des sciences naturelles aux phénomènes de l’esprit et des sentiments. Il conçoit les sentiments comme des effets, ou mieux, selon lui, comme l’objectivation des activités de l’organisation physiologique lorsque celle-ci réagit par exemple à des représentations : le sentiment n’est pas ainsi la cause que nous rougissons, que notre cœur palpite, etc., il est cette activité de l’organisme en tant qu’elle est observable. Ribot s’oppose donc de cette manière aux conceptions intellectualistes, et pose l’hypothèse que la vie affective (physiologique) est première. Il pose la loi de progression de l’amnésie (appelée aussi loi de régression de la mémoire), qui va toujours « du plus nouveau au plus ancien, du plus complexe au plus simple, du volontaire à l’automatique, du moins organisé au mieux organisé ». Il différencie également la mémoire en différentes aptitudes (qu’il compare à des services d’une administration, tous chargés d’une tâche précise) ; par exemple la mémoire des savoir-faire et la mémoire des savoirs. Il entrevoit enfin les différences entre mémoire épisodique (instable) et mémoire sémantique, et logique affective et logique rationnelle (idées explorées par la suite par Endel Tulving et Antonio Damasio). Il consacre de nombreuses recherches à l’observation clinique dans les institutions psychiatriques qui débouchent sur la publication des Maladies de la mémoire (1881), des Maladies de la volonté (1885) et des Maladies de la personnalité (1883).
Rapport de condition
Edition originale. Paris, Alcan, 1914, in-8, demi-toile lie-de-vin, pièces de titres, 172 pp.