Description
Peu de romans sont assez justes et saisissants pour que leur titre passe dans le langage courant, comme pour enfin nommer une réalité essentielle jusque-là incomprise. C’est le cas de « Clochemerle », roman satirique à succès de Gabriel Chevallier publié en 1934, dont le titre désigne aujourd’hui une localité déchirée par des querelles burlesques et des intrigues sans conséquence.
Notre ouvrage est assez abondamment illustré de 118 illustrations en couleurs de différents formats. Dubout croque les personnages de ce roman d’un trait fin et grinçant. Il nous dépeint les portraits de personnages de manière crue, exagérant les détails pour un effet des plus burlesques. Il représente l’ivrogne, l’amoureux, la vieille pimpante, sans oublier son goût subtil pour un attirail de séduction ridicule.
« Clochemerle » a connu un succès immédiat et durable avec un tirage à plusieurs millions d’exemplaires et des traductions dans vingt-six langues. L’ouvrage fut récompensé par le Prix Courteline en 1934.
Clochemerle a été adapté au cinéma (Clochemerle, 1948) et à la télévision. Le toponyme, inventé par Gabriel Chevallier est, aujourd’hui, entré dans la langue courante et sert à désigner une localité « déchirée par des querelles burlesques ».
Le roman commence quand Barthélemy Piéchut, le maire de la commune de Clochemerle-en-Beaujolais, dévoile à Ernest Tafardel, l’instituteur, son projet : « Je veux faire construire un urinoir, Tafardel. […] Enfin, dit-il, une pissotière ! ». Cette vespasienne, destinée, bien plus peut-être, à confondre madame la baronne Alphonsine de Courtebiche, le curé Ponosse, le notaire Girodot et les suppôts de la réaction, qu’à procurer un grand soulagement à la gent virile de Clochemerle, est édifiée tout près de l’église où Justine Putet, vieille demoiselle, exerce une surveillance étroite… (in Wiki).
Ce roman, à l’intrigue apparemment anecdotique, révèle entre ses lignes une analyse sociale d’une précision remarquable. On souligne que « Gabriel Chevallier a un style tour à tour lyrique, méthodique, populaire et militaire. Quand il fait dans le roman populiste, on sent qu’il se force un peu. Quand il décrit les paysages, les bruits et les songes, il est bon poète. Quand il fait des portraits, il est cruel et précis. Cette variété de tons donne à ces lectures charme et profondeur. » (Bruno Frappat, « La face cachée de « Clochemerle », 27/10/2010, La Croix). Le trait de crayon de Dubout semble, dès lors, être indispensable pour illustrer ce roman satirique et incisif. Il donne à voir des portraits, mais aussi des foules de personnages tous pressés qui dans leur disparité dégagent une impression ubuesque et carnavalesque.
Héritier de Rabelais et de ses « guerres picrocholines », chamailles sans importance entre membres d’une même société, Gabriel Chevallier n’a pas la caricature gratuite : il affirme dans ce roman son refus catégorique des conventions et de l’hypocrisie bourgeoise ou religieuse. « Et voici qu’un roman humoristique sur une petite ville de province, les petites ambitions de ses habitants, la globale et sereine bêtise qui la peuple […], s’élève à la hauteur rare d’une satire souriante de la société dans son ensemble, représentée par les Clochermerlins, […] les hommes politiques et les militaires. C’est peu de dire qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre. » (Didier Smal, 10/10/2016 pour « La Cause Littéraire »).
Auteur
Albert Dubout (1905-1976) est sollicité dès 1929 par les Editions Kra, un choix audacieux de la part de cette dernière qui lui confie étonnamment l’illustration de textes classiques. Une voie qu’il le contraindra dans ces choix esthétiques l’obligeant parfois à coller au texte. Dubout affirmera notamment que le travail de « miroir du texte » effectué pour « Clochemerle » ne lui avait pas plu. A contrario des dessins qu’il commet pour les journaux, cette formule éditoriale lui tient à coeur. « Il y avait une bien plus grande liberté de moyens que dans le tyrannique dessin de presse. On comprend par exemple que les délais toujours précipités des rédacteurs de journaux aient peu convenu à ce dessinateur qui aimait à représenter mille têtes différentes sur son papier à ajouter toujours de nouveaux accessoires, à fignoler sans cesse » (in MELOT Michel, « Dubout », Edition Michèle Trinckvel, Montrouge, 1979).
« Il est certainement l’un des artistes les plus influents de toute une génération de dessinateurs et illustrateurs » (in Dubout.fr) et à ce titre possède des caractéristiques reconnaissables comme un tracé tout en rondeur, des compositions chamarrées qui complimentent l’aspect drolatique des scènes de vie qu’il nous dépeint. Héritier sans le vouloir de Jérome Bosch, Dubout agrémente ses productions d’un grand nombre de personnages participant à la fois à des micro-scènes et à l’action principale. Ces attributs se parent d’un goût pour des illustrations grivoises, caricaturales parfois tumultueuses, rendant ses personnages attachants tels que ceux du Petit Bonhomme et de la Grosse Dame. Ces derniers ne sont pas sans rappeler son affection pour sa région natale, le sud de la France, et particulièrement Marseille.
Dubout est un produit « made in France » par excellence : régionaliste, authentique, bon-vivant, éduqué et talentueux. Il fut élève aux Beaux-Arts de Montpellier, puis il s’installe à Paris. Il se passionnera pour la foule des grands magasins et des transports qu’il aime croquer et caricaturer. Il publie ses premiers dessins dans « Pêle-Mêle », puis s’en suivront des collaborations avec différents magazines et journaux tels que « Ric et Rac », « Marianne », « La Bataille » et « Ici Paris ». Dubout réalise également des affiches pour le cinéma, la publicité et le théâtre comme celle de « César » de Marcel Pagnol. Sa passion pour le cinéma est tenace, il réalise plusieurs films d’animations « Anatole fait du camping » et « Anatole à la tour de Nesle » en 1947 et longs métrages « La Rue sans loi » en 1950 et « Anatole chéri » en 1954.
Albert Dubout « a illustré plus de 80 ouvrages dont le dernier a paru après sa mort. Il a publié 27 albums et créé 80 affiches de cinéma et de publicité. Par ailleurs, il a réalisé 70 peintures à huile dont les fameuses Corridas avec leurs ombres et lumières ainsi que les Toreros » (in Dubout.fr).
Rapport de condition
Paris, Flammarion,1982. In-4, relié, cartonnage éditeur, 1 illustration couleurs sur le premier plat, 118 illustrations en couleurs de différents formats, 334 pages.