Prosper DESPINE, NON VENU – De la folie au point de vue philosophique ou plus spécialement psychologique
Dans notre volume, une place importante est accordée au crime et aux forces inconscientes chez l’homme en bonne santé ; dénommée par Despine « folie instinctive ».
Le titre même de l’ouvrage indique à quel point ce travail repose sur les acquis des anciens et sur les données nouvelles qu’exploitera l’école de Charcot ; en particulier, ce traité est un des premiers à envisager la folie qui réside chez tout homme, même en bonne santé, apparente ou non.
« Première édition de cette oeuvre volumineuse de Despine qui constitue une réponse à certains questionnements de la section philosophique de l’Académie des Sciences, et pour lequel il reçut un prix. L’auteur s’est efforcé de traiter la folie sur des considérations psychologiques pures. Ainsi, il s’inscrit dans la lignée des penseurs tels que Brian, Luys, Morel ou Auguste Comte qu’il cite d’ailleurs dans l’ouvrage. Pour Despine, la folie n’est pas une maladie mais un stade psychologique, qui trouve son origine dans une activité pathologique du cerveau. Celui-ci peut aussi exister chez l’homme en santé, c’est pourquoi il compare les deux. Le mot folie sert à désigner deux sortes d’aliénation, d’une part lorsque les facultés intellectuelles sont intactes, mais qu’il y a une perversion morale ; d’autre part lorsque les facultés psychiques sont impuissantes et incohérentes, et que la morale est, elle aussi, plus ou moins pervertie (Andrew Wynter, The Borderland of Insanity and other Allied Papers, pp.449-450). Les travaux de l’aliéniste Prosper Despine (1812-1892) renvoient au développement d’une psychiatrie, qui avec Pinel, Cabanis ou Esquirol, s’est intéressée aux rapports de la maladie mentale et du crime. »
Issu d’une famille de médecins thermalistes et généralistes, Despine s’est intéressé très tôt (malgré les propos injuste que Janet tient à son égard) à une clinique sémiologique des maladies mentales dans laquelle l’inconscient tenait déjà un rôle. Cela bien avant 1880 où il est, avec Colsenet, le premier à écrire un traité sur l’inconscient qu’il appelle « automatisme mental ».
Tandis que Charcot balbutie avec son art, que Freud se prépare à une carrière de biologiste contrariée comme on le sait et que Magnan – sur les traces de Morel – établit un socle doctrinal basé sur la pathologie transmise de générations en générations, Despine, armé de toute sa science et ses observations pratiques, donne des matériaux à ses successeurs qui auront du mal à reconnaître ce qu’ils lui doivent.
Parmi les précurseurs non oubliés ayant permis ce travail, figure par exemple Stahl. Ce n’est pas par hasard que l’ouvrage se clôt sur une référence à Luys, à Auguste Comte (dont le travail permet à Despine de tenter de démasquer le paradoxe positiviste qui consiste à n’admettre comme réalité que ce qui est prouvé scientifiquement alors qu’il pose comme imaginaire et erroné le « vaste système biologique et sociologique adopté sans vérifier s’il était ou faux » p.973).
Avant de conclure sur sa propre théorie de la folie, Despine établit une comparaison entre le rêveur et le fou, ce dernier n’ayant que des idées concentrées et le rêveur étant dans une instabilité constitutive. Il cite en cela Moreau de Tours : « La folie est à la veille ce que les rêves sont au sommeil ». Cette comparaison entre le rêveur et le fou est encore sujette à débats de nos jours, soulevée par Descartes, elle a été la cause d’un grand différent entre Foucault et Derrida.
Dans la dernière partie de son ouvrage Despine résume sa propre théorie : « La folie réside non pas dans les aspirations extravagantes, immorales, des passions, mais dans l’absence d’une opposition rationnelle à ces inspirations dans la conscience, d’où résulte l’aveuglement moral de l’individu à l’égard de ces inspirations passionnées, aveuglement dans lequel nous avons placé le caractère psychologique de la folie. Stahl a fait résider la folie dans l’erreur causée par les passions, nous avons complété cette connaissance en indiquant la cause psychologique de cette erreur. » (p. 991)
Sous-titré : “Étudiée chez le malade et chez l’homme en santé”
Relié, pleine toile grise moderne, pièce de titre en maroquin rouge, 1000 pages.
Édition originale.
Ex-libris Léon Fouks.
Quelques rares passages soulignée au crayon de couleur rouge.
Très bon état. –