Complet, psychologique, au carrefour du roman et de « l’imagination maîtresse de fausseté », Le stigmate est une pierre essentielle à la construction de la « psyché moderne ».
« Méticuleux et romanesque, Gilbert Augustin-Thierry était doué des qualités le plus rarement réunies et les plus difficiles à réunir : les unes auraient fait de lui le plus patient des érudits et, les autres, le plus aventureux des conteurs. Il pouvait, pour se contenter deux fois, écrire et des livres d’histoire et des livres d’imagination. Mais, étant d’âme ardente, il n’eût pas toléré de laisser inactive ou sa curiosité savante, ou sa puissance inventive. Il ne travaillait que de toute son âme ; et son art est la synthèse extrêmement originale de plusieurs contrariétés, dont la solution devait aboutir à une philosophie… …Si l’on dit que c’est accabler d’une grave mission ce genre de littérature assez légère, le roman, Gilbert Augustin-Thierry ne consent pas que le roman soit un badinage. Il fonde sur lui de magnifiques espérances. Dans la préface de son plus beau livre, Le Stigmate, il éconduit les « timorés » qui le chicanaient d’avoir écrit, sur la métaphysique et sur les mystères de la croyance, cette petite chose : un roman ; ne valait-il pas mieux laisser au philosophe et au prêtre l’analyse de la foi ? Mais il réclame, pour le roman, le droit et il lui impose le devoir de tout comprendre et de tout révéler, car le roman, dit-il, « est, à présent, une science. » Il prétend même que le roman soit désormais une morale ; et il ajoute : « le temps, d’ailleurs, est proche où la morale elle-même sera formulée par la science. » De telles illusions avaient cours à l’époque où Gilbert Augustin-Thierry constituait le système de ses idées. Le merveilleux progrès de toutes les sciences, dû en majeure partie à de bonnes méthodes, fit envie à quiconque était occupé de pensée. On crut, avec un bel entrain, que les divers objets de la pensée allaient devenir objets de science. La littérature ne serait-elle pas scientifique ? Le roman, frivole hier, fut chargé de mener à bien, selon les procédés scientifiques, une enquête sur l’homme. Ses deux moyens : l’observation, la psychologie. C’est alors qu’intervient Gilbert Augustin-Thierry. Et il dit aux romanciers : — Vous avez tort, « explorateurs de l’immensité de l’âme humaine, » de limiter votre enquête à l’homme contemporain. Vous regardez le présent ; vous négligez le passé. Mais le présent tient au passé ; l’homme contemporain dérive du vieil homme. Cherchez dans le passé les origines des jours nouveaux et le principe de leur explication. Comme le présent n’est qu’un épisode de la durée, le roman contemporain n’est qu’un chapitre de votre enquête. Vous vous trompez en n’accordant au roman d’histoire que la petite place qui convient à une variété du roman : le roman doit être surtout historique. » in Revue des Deux Mondes, 6e période, tome 31, 1916 (p. 216-227), par André Beaunier, « Gilbert Augustin Thierry ».
Rapport de condition
In-8, demi-maroquin bleu à coins, tranches dorées, signet, dos à nerfs, mors et coiffes frottés, non rogné, Paris, Armand Colin, 1898, XV + 355 pp. Exemplaire n°1 sur Japon.