Skip to main content
Les “druses” écrites et dessinées (Kontaminationen blendings) ; pathogénie de certains néomorphismes
Lot 1046

Les “druses” écrites et dessinées (Kontaminationen blendings) ; pathogénie de certains néomorphismes

Estimation : 200 / 400€
Année : 1960
Illustration

Le lot 46 est composé d’un feuillet A5 à l’italienne (verso vierge), dactylographiés et signé au recto ainsi qu’un livret de 28 pages ; 1961. Il s’agit du livret « Les « Druses » écrites et dessinées (Kontaminationen blendings) ; pathogénie de certains néomorphismes » (tiré à part page 529 à 550 extrait des Acta neurologica et psychiatrica Belgica de 1960, 32 p.). Cet extrait est commis par Jaroslav Stuchlik et Jean Bobon et adressé à Gaston Ferdière avec un envoi de Stuchlik depuis Prague le 29 septembre 1961 : « En hommage cordiale (sic) au Pr G. Ferdière. » Ce livret qui comporte 2 belles planches de dessins. L’analyse proposée est celle d’un cas qui « illustre une modalité exceptionnelle de correspondance entre l’expression verbale et l’expression plastique ; démontre la valeur signifiante de néoformations écrites et dessinées qui, de prime abord, paraissent insensées ; éclaire la pathogénie des certains néologismes-néographismes et en parallèle, celle des néomorphismes correspondants. Le terme « druses » a été employé par l’un de nous pour désigner des néoformations par fusion de sigles, de mots ou de fractions de mots usuels et, à l’extrême, par fusion de néologismes ». (première page). L’intérêt de Ferdière pour ce petit opus est significatif de sa volonté de toujours mieux cerner le travail de création pathologique sans cesser de l’enrichir. A l’intérieur du livret, on découvre de nombreuses remarques, annotations et réactions de la main de Ferdière. L’accompagne, une missive de Stuchlik datée du 30 septembre 1961, remerciant Ferdière pour sa lettre du 25 septembre 1961 et lui apportant réponses quant au titre à utiliser (?) et aux dates « anamnésiques ». La missive est signée et tamponnée par Stuchlik. La missive commence par « Cher ami » et non « Monsieur le Professeur » comme aurait pu le laisser suggérer l’envoi du livret. Nous vous conseillons l’excellent article « Essay on the Psychology of the Invention of Artificial Languages » par le Dr. med. Jaroslav Stuchlík, Professor of Psychiatry, University of Prague, Czechoslovakia. Pour rappel, Jean Bobon (1912-1990) était professeur à l’université de Liège en neuropsychiatrie. Il ut diplômé Docteur en médecine, chirurgie et accouchements et Docteur en sciences anthropologiques (Liège-1944). Il est également Licencié en sciences criminologiques (Bruxelles 1946). En 1963, il fut chargé d’enseignement à l’Institut de Psychologie. En 1964, il enseignait à la Faculté de médecine de l’Ulg en tant que Professeur ordinaire, titulaire de la chaire de Psychiatrie (il sera admis à l’Emiritat en 1982). Il enseignait également la psychiatrie légale et la prophylaxie criminelle à l’Ecole de Criminologie. Il publia 127 titres scientifiques, dont un ouvrage de référence fondamental sur le langage parlé et écrit des malades mentaux et un ouvrage sur le Psychopathologie de l’Expression.

Illustration

Auteur

Gaston Ferdière ! A l’évocation de ce nom, le regard perdu d’Antonin Artaud apparaît ; d’emblée l’impression du néophyte est désagréable. Ferdière ; celui qui a interné Artaud. Mais qui est Gaston Ferdière ? Ne souhaitant pas imposer une longue biographie, voici un échantillon de ce que l’on peut rapidement apprendre… de moins convenu. En 1930, alors qu’il a commandé à Paris une nouvelle fresque à Frédéric Delanglade, pour son hôpital, il invite à déjeuner André Breton et Marcel Duchamp. Il noue une relation extrêmement créatrice et artistique avec les surréalistes qu’il côtoie régulièrement. En 1941, afin de faire vivre son hôpital de Rodez, Gaston Ferdière n’hésite pas à pratiquer le marché noir au péril de sa vie. Ferdière est un catalyseur de rencontres, un « ovni » qui donne au « fatum » du fil à retordre et impose son rythme à la vie : « Alors que Sainte-Anne se prépare à ouvrir ses portes au public, Jean Dubuffet vient de rencontrer Gaston Ferdière qui le présente à d’autres aliénistes. Parmi ceux-ci, Lucien Bonnafé (1912-2013) , natif du Lot, qui fréquente comme Gaston Ferdière, le milieu surréaliste. Il est résistant et militant communiste et sera très impliqué dans la « psychiatrie désaliéniste » autour de 1955. Alors médecin psychiatre à l’hôpital de Saint-Alban-sur-Limagnole en Lozère, le Docteur Bonnafé soigne Auguste Forestier, auteur d’Art Brut, dont le nom sera célèbre. Il est ami de Paul Eluard qui a trouvé refuge dans cet hôpital en 1943, lui-même proche d’Aragon et d’André Breton : un chassé-croisé de rencontres déterminantes dans l’évolution de l’art psychopathologique où l’on voit apparaître des interactions entre le milieu surréaliste, l’engagement politique et le milieu médical. » (in De l’art des fous à l’art psychopathologie… » de Muriel Tisserant.) En 1946, sous le haut patronage de Ferdière est organisée la première « Exposition d’art des malades mentaux (peintures, dessins, sculptures, décorations) » ouverte au public du 16 au 28 février 1946. Evénement placé sous l’autorité du Préfet de la Seine ! Même le journal La Croix adoube Ferdière : « On s’associera à l’exhortation de ce dernier [Gaston Ferdière], d’une grande élégance morale : loin de traiter ces malades mentaux comme des étrangers […], nous devons les traiter en hommes, travailler sans relâche à leur guérison et imiter l’Eglise, comme dit le Dr Ferdière, l’Eglise qui ne perd pas de vue que la part de Dieu subsiste en eux, qu’ils ont une âme, et leur accorde des sacrements. » (L. E., « L’aliénation mentale et la création artistique », La Croix, 21 février 1946.) Ces quelques éléments de biographie et nos recherches autant que nos lectures de ce corpus extraordinaire nous ont naturellement amené à le considérer sous l’angle du « surréalisme ». Les 11 lots (44 à 54) de ce « corpus Ferdière » proposent l’articulation indispensable qu’André Breton recherchait entre les arts et notamment « l’art primitif » et la psyché humaine en ce qu’elle crée de plus authentique ; (et ce malgré son ouvrage « L’art des fous, la clé des champs » au coeur duquel, s’il se « livre à un véritable hymne à la folie, (…) n’accorde pas pour autant d’attention aux qualités esthétiques des œuvres qui sont dépendantes pour lui, de critères d’appartenance et relèvent de classifications : œuvres d’art, asilaire et médiumnique. »). Un travail de mise en relation entre Ferdière et Breton nous semble aujourd’hui indispensable au devoir d’inventaire du « surréalisme ».

Illustration
Illustration