Notre volume est l’un des plus touchants de la vente. Non seulement il s’agit de l’exemplaire nominatif de Paul Eluard en personne (un hors-commerce unique) mais Eluard l’a dédicacé (envoi) à son éditeur et ami René Bartelé : « À René Bertelé, son vieil ami, Paul Éluard ».
Ce carnet de « poèssins » (poème-dessin) est un témoignage poignant de « l’immersion » de la raison dans l’océan de la folie. Gaston Ferdière découvre le langage artistique des fous (lots 44 à 54) quand Paul Eluard rend un hommage poétiques à ces fous. « En novembre 1943, menacé pour ses activités clandestines, Paul Eluard doit quitter Paris. Il trouve refuge chez Lucien Bonnafé, médecin directeur de l’asile public de Saint-Alban. Malgré l’Occupation, il souffle alors un vent de liberté et d’humanisme en ce lieu perché sur la Margeride, à neuf cents mètres d’altitude. Eluard passera des mois caché parmi les aliénés. Profondément bouleversé par son séjour à Saint-Alban, Eluard écrit ce long poème composé d’un prologue, de six portraits et d’un épilogue, qui restitue la mémoire encore vive de ses rencontres avec les fous. Empreint d’une sincère empathie, ce texte fait résonner l’écho de voix distinctes : celle du poète face au mystère impénétrable de l’esprit perdu, « chantant la mort sur les airs de la vie », ou celle des fous en proie à des hallucinations, à des absences ou de rares éclairs de lucidité. Durant l’été 1945, Cécile, la fille d’Eluard, se rend à son tour à Saint-Alban accompagnée de son futur mari, le peintre Gérard Vulliamy. Vivant au milieu des aliénés – une expérience qui, disait-il, avait pour toujours changé son regard sur les autres -, Vulliamy fait leur portrait. Ce livre donne à voir, face au poème d’Eluard, ses dessins au trait, offrant ainsi un dialogue des plus poignants et des plus réalistes. Ce très beau poème-objet est d’une rareté indiscutable. » (Gallimard)
Auteur
« Peintre français d’origine suisse, Gérard Vulliamy (1909-2005). Sorti de l’académie André Lhote, il participe dès 1932 à l’aventure du mouvement Abstraction-Création aux côté de Jacques Villon, Auguste Herbin et Robert Delaunay. En 1934, il se rapproche du mouvement surréaliste. Il se lie avec André Breton, Paul Eluard, Francis Ponge, Jean Tardieu et participera en 1938 à l’Exposition internationale du surréalisme. Son œuvre la plus célèbre, Le Cheval de Troie (1936-1937), rend compte du chaos dans lequel s’enfonce le monde à l’orée de la Seconde Guerre mondiale. Dans les années d’après guerre, Vulliamy revient à l’abstraction, privilégiant la couleur et la composition. »
Poème III : « Le visage pourri par des flots de tristesse Comme un bois très précieux dan sla forêt épaisse Elle donnait aux rats la fin de sa vieillesse Ses doigts leur égrenaient gâteries et caresses Elle ne parlait plus elle ne mangeait plus. »
De son vrai nom Eugène Grindel (1895-1952), Paul Eluard adhère au mouvement Dada, puis participe à l’aventure surréaliste aux côtés d’André Breton, Louis Aragon et Philippe Soupault. Poète de la Résistance durant les années noires, militant communiste, il demeure le chantre éternel d’un certain lyrisme amoureux. Dans la collection « Poésie d’abord », les Éditions Seghers rassemblent quelques-uns de ses plus beaux textes : « Derniers poèmes d’amour », « Le Poète et son ombre », « Poésie involontaire et poésie intentionnelle », « L’Immaculée Conception » (avec André Breton) et « Lettres de jeunesse ».
Rapport de condition
Edition originale. Vrille, Paris, Janvier 1946 (souvent daté de 1945 à tort). Grand in-4, couverture rempliée, broché. Édition originale illustrée de huit dessins de Gérard Vulliamy. Exemplaire hors commerce imprimé pour Monsieur Paul Éluard. Cette édition a été tirée à 786 exemplaires sur velin pur fil. Envoi autographe signé de Paul Eluard à l’éditeur René Bertelé. « À René Bertelé, son vieil ami, Paul Éluard ».